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Qui Veut Être Mon Associé – My Padda (S3E1)

Grégoire Dorget, fondateur de My Padda, est passé dans l’émission TV Qui Veut Être Mon Associé le 4 janvier 2023.

Le Contexte

Bon, on va pas se mentir, celui-là il s’est pas super bien passé. Il y a des relents de FishFriender, le réseau social de pêche qui avait été traité de manière similaire dans la Saison 1. Passé le choc du passage plateau, et en revoyant l’épisode au calme, je reviens sur certains points (notamment positifs) de l’échange.

A demandé : 250.000€ pour 7% (Valorisation : 3,6M€).

A reçu : rien, ça arrive plus souvent que l’inverse.

A investi : personne (du coup).

Le Point Technique

Sur le plan technique, c’est assez rapide. Grégoire s’était bien préparé, sa collègue Lydia également, même si elle était visiblement plus stressée que lui avant l’entrée en plateau, et ça se comprend. Les paddas ont joué leur rôle à merveille.

Bref, rien à signaler ou presque.

Si on me forçait à relever un point “avec un pistolet sur la tempe “, comme on dirait Outre-Atlantique, je conseillerais d’éviter de démarrer un pitch par “Je me suis levé un jour en me disant que ce serait une bonne idée de faire X”.

Les investisseurs savent qu’entreprendre c’est dur, et que beaucoup abandonnent en chemin. Ils cherchent à identifier les motivations profondes qui feront que l’entrepreneur.se ne lâchera pas à la première difficulté.

D’autant qu’au cas précis, Grégoire a lancé son entreprise après un long cheminement—qu’il explique bien dans son entretien précédent le passage devant les investisseurs, et à nouveau durant l’échange.

La vraie star du jour

Le Point Psychologique

J’ai beaucoup repensé à cet échange dans les jours et semaines qui ont suivi le tournage. J’étais naturellement navré pour Grégoire, avec qui j’avais eu de très bons rapports durant le coaching, qui est non seulement très sympa, mais également à l’écoute et soucieux de donner le meilleur de lui-même.

J’ai choisi de revenir ici sur trois dimensions de l’échange avec les investisseurs :

  • L’effet démo
  • L’effet valeurs
  • L’effet d’entraînement

Commençons par les petits héros de cette histoire, les paddas.

L’Effet Démo

Contrairement à ce que les entrepreneurs croient souvent, toutes les startups ne sont pas égales devant le pitch. Il est beaucoup plus aisé de présenter un produit ou service avec lequel l’investisseur.se est familier.e. En psychologie (et en anglais), on appelle cela to be primed.

Par exemple, un investisseur qui aime le café, ou qui a gagné de l’argent dans une startup active dans le marché du café, sera plus à même de comprendre l’intérêt d’une solution innovante autour de cette boisson. A l’inverse, comme cela a été le cas avec Anthony Bourbon et Caps Me, un investisseur qui ne boit pas de café aura du mal à voir l’intérêt du produit.

Parenthèse : les investisseurs professionnels, c’est-à-dire ceux qui gèrent les fonds des autres, comme je l’ai fait dans deux fonds différents, sont formés à ne pas réagir en fonction de leurs préférences. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils y arrivent tous. Les biais cognitifs sont omniprésents dans une industrie qui repose sur l’interprétation de signaux faibles dans un contexte incertain.

Revenons à nos paddas. A son arrivée, Grégoire m’en a posé un sur l’épaule. Je dois dire que ça fait tout de suite quelque chose. Ce petit être si fragile qui semble écouter ce qu’on lui dit, s’attache à vous et reste là à s’amuser, c’est bluffant !

Dans la salle de projection de “Qui Veut Être Mon Associé”

On voit bien certains des investisseurs, notamment Isabèle Chevalier et Jean-Pierre Nadir, réagir positivement au contact des paddas.

Certains, mais pas tous. Marc Simoncini, en particulier, a des valeurs opposées à celles du projet de Grégoire.

L’Effet Valeurs

On le savait depuis FishFriender, qui était passé en Saison 1, que Marc Simoncini est un fervent défenseur des animaux.

J’ai trouvé à l’époque que les critiques faites à son encontre, lors de son refus ferme exprimé aux deux fondateurs du réseau social de pêche, étaient injustes. Durant la saison 1 de l’émission, j’assistais aux échanges sur le plateau, positionné derrière les entrepreneurs et hors champs des caméras. On n’entendait pas très bien—les candidats sont souvent surpris par la nécessité de faire porter leur voix, car le studio est grand et il n’y a pas de retour son—mais on avait l’avantage de clairement voir le visage des investisseurs durant l’échange.

Celui de Marc Simoncini était visiblement fermé. Il n’a rien dit durant les 45 minutes du temps des questions-réponses. On voyait qu’il souffrait intérieurement, et je mets son attitude à son crédit. Il aurait pu dès le début démolir le projet. Son aura étant si forte, il aurait pu mettre abruptement fin au passage. Il a choisi, au contraire, de laisser les uns et les autres s’exprimer. Quand est venu son tour de parler, il a loué les entrepreneurs pour leur intelligence avant de leur signifier son refus sur des bases morales. L’histoire finit bien : suite au pivot de la startup, Marc Simoncini a publié un tweet de félicitations.

Avec My Padda, Marc Simoncini a décidé d’opérer différemment.

Il s’est intéressé, a posé des questions, mais le piège s’est vite refermé sur Grégoire. Ce dernier s’est battu vaillamment, faisant passer son message avec force (“On veut faire sortir les oiseaux des cages”). Mais il n’y a rien à faire quand on est sur le terrain des valeurs, qui plus est dans un débat qui sera diffusé à des millions de téléspectateurs.

52% des gens ont un animal de compagnie. C’est un fait. La question, c’est est-ce qu’on le fait intelligemment, dignement, et dans le respect.

Grégoire Dorget – My Padda

Je recommande aux entrepreneurs à qui cela arrive (hors plateau télé) d’écouter les arguments, d’essayer de déceler les valeurs sous-jacentes, de remercier poliment l’investisseur.se de son temps, et de quitter la salle. Se montrer combatif est acceptable, mais s’enferrer dans un débat philosophique quand on est du mauvais côté du carnet de chèques est le plus souvent une perte de temps.

C’est une attitude difficile à adopter pour les entrepreneurs, qui sont souvent des machines à convaincre et ont du mal à écouter. Il faut choisir ses combats.

Le point le plus dommageable de cet échange, c’est son influence sur les autres investisseurs.

L’Effet d’Entraînement

Quand je forme des investisseurs aux techniques de réussite de leur comité d’investissement, je leur suggère systématiquement de regarder le film “Douze hommes en colère”, de Sidney Lumet. On y voit un jeune Henry Fonda progressivement mettre en doute les certitudes de ses onze co-jurés dans un procès pour meurtre. L’effet d’entraînement est palpable.

Dans le film, les arguments sont essentiellement factuels. Durant le passage de My Padda, le débat a davantage pris une dimension morale. L’effet est identique : on voit petit à petit les autres investisseurs se ranger du côté de Marc Simoncini. Anthony Bourbon notamment, qui semblait avoir commencé avec un a priori positif. Malgré les relances de Jean-Pierre Nadir et Isabèle Chevalier sur les aspects business et le contexte des animaux domestiques, le rouleau-compresseur est inexorable.

Un point que les entrepreneurs sollicitant des investisseurs évaluent mal est l’influence des autres investisseurs sur le souhait ou non d’investir d’une personne. Le phénomène, qui s’appelle la “mentalité de troupeau” en anglais (VC herd mentality), est bien connu. Paul Graham et sa co-fondatrice de Y Combinator Jessica Livingston en ont parlé éloquemment, et j’ai consacré deux articles et un webinar au sujet.

Au passage, ce phénomène est plutôt rare dans QVEMA, car nos amis investisseurs sont pour la plupart ce que j’appelle des promotion-focused VCs, qui prennent leurs décisions la plupart du temps suite à une analyse personnelle. On reviendra sur le cas Blaise Matuidi lors d’une prochaine analyse.

La Conclusion

Se prendre des portes dans la figure, ça fait partie de la vie d’entrepreneur.se. Chacun.e réagit différemment : certains se tairont et passeront à autre chose, d’autres rumineront à l’infini, ou se battront pour montrer qu’ils avaient raison (je reviendrai sur le cas incroyable de VERA lors d’un prochain post).

Le tout, c’est de rebondir.

Grégoire, lui, il a bien rebondi. Je l’ai eu quelques temps après le passage, les affaires tournent bien. Malgré la dureté de l’échange et sa déception, il a bénéficié de l’exposition TV et a réussi à faire porter son message. Après tout, quand la moitié du pays a un animal domestique, il y a un marché !

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