Tu ne connais sans doute pas Ryan Caldbeck. C’est le fondateur de CircleUp, une startup US qui a levé 250 millions $. Il a démissionné de son poste de CEO la semaine dernière après 10 ans à la tête de sa boite. Sur fond de burnout, dépression, et problèmes de santé multiples. Ça arrive plus souvent qu’on ne le croit. Accroche-toi, ça va secouer.
Les entrepreneurs parlent très peu de leurs problèmes psychologiques et même physiologiques. Si tu écoutes les invités de mon podcast, tu sais que c’est bien plus courant qu’on ne le pense.
Alors quand un entrepreneur à succès prend la plume pour raconter son calvaire de l’intérieur, on prend des notes. Voici en cinq points les recommandations qu’on peut tirer de la mésaventure de Ryan.
1. Distinguer la fatigue intense de la dépression
Ryan raconte que la fatigue chronique était devenue courante depuis la création de sa startup en 2011. C’est le propre des entrepreneurs, qui sont toujours au four et au moulin.
Dans l’épisode #7 (à venir quand j’écris ces lignes), Benjamin nous explique bien ce phénomène : quand tu quittes un grand groupe pour lancer ta boite, d’un coup c’est toi qui dois tout faire.
Comme la plupart des entrepreneurs sont perfectionnistes et n’arrêtent jamais, à la longue cela entraîne une forme de fatigue chronique.
Les signes de la dépression sont différents. Je ne suis ni médecin ni psychologue, je ne vais donc pas aller sur ce terrain. Le point sur lequel je souhaite appuyer ici est que les entrepreneurs doivent se méfier de cette « fatigue ». On s’habitue à tout, et les moments de misère émotionnelle sont nombreux dans la vie d’un fondateur. Attention à ne pas glisser dans la dépression sans s’en rendre compte.
2. En parler à ses proches
Là encore, rien de spectaculaire. La plupart des gens seront d’accord avec ce conseil. Mais là où ça fait mal, c’est que les entrepreneurs sont, en moyenne, assez peu enclins à parler d’eux.
Ryan Caldbeck se fait l’écho de ce trait de caractère. Dans son cas, la situation était pire à cause de problèmes d’infertilité au sein de son couple, et d’un cancer diagnostiqué pendant les examens médicaux de la FIV.
Au lieu d’en parler, il a préféré se confier à un cercle très restreint, afin également de ne pas paniquer ses employés et mettre sa société en danger. CircleUp était à ce moment-là dans une phase délicate et Ryan a pensé que l’entreprise « n’avait pas besoin de cela ».
Avec le recul, il indique qu’il aurait dû en parler publiquement, pour se sentir moins seul.
Affronter en parallèle nos problèmes de fertilité, mon cancer et les enjeux de l’entreprise a été le défi le plus difficile de ma vie. Je ne dormais plus, n’arrivais pas à me détendre, et j’avais constamment les nerfs à fleur de peau.
Ryan Caldbeck – CircleUp
3. Se faire accompagner
Partager sa solitude et ses angoisses avec ses proches est un bon début, mais souvent insuffisant. S’appuyer sur un professionnel qui saura trouver les mots, la bonne attitude, ou rediriger vers le bon endroit, est une étape souvent salutaire.
Ryan indique d’ailleurs qu’il aurait dû consulter un psychologue plus tôt, car au-delà des maux physiques, l’impact émotionnel de ce qui lui arrivait le dépassait totalement. Pourquoi ne pas l’avoir fait, alors qu’il vit dans une région (CircleUp est basée à San Francisco) où aller voir le « shrink » est aussi courant qu’aller chez le généraliste en France ?
De nombreux entrepreneurs ont une vision de leurs priorités qui n’inclut pas leur santé physique ou mentale. Le seuil de tolérance à la douleur étant souvent plus élevé que le reste de la population, ils agissent trop peu, trop tard.
Qui consulter ? Certains auront recours à la psychanalyse, d’autre à l’hypnose, d’autres encore à un « business coach ». Quelle que soit la formule, ce qui compte c’est d’être en confiance avec quelqu’un de compétent.
4. Apprendre ses limites
Un autre blocage typique de l’entrepreneur vient l’empêcher de remédier à la situation dans les temps.
De nombreux entrepreneurs arrivent au succès grâce à leur ténacité. Ils en veulent plus que les autres, et sont prêts à sacrifier davantage pour y arriver. Cette détermination à la limite de l’obstination les aide à avancer, là où d’autres abandonneraient.
Le côté obscur de ce trait de caractère est qu’ils ne lâchent pas prise quand ils devraient.
Ryan Caldbeck relate les nombreux avertissements émis par les membres de son Board, des personnes expérimentées qui lui disaient de prendre des vacances, de se reposer à tout prix. En vain.
La ténacité était mon super-pouvoir. Mais je sais désormais qu’elle est une épée de Damoclès. Ma décision de ne pas faire de pause, de ne pas réduire le champs de mes responsabilités, m’a non seulement nui à moi, mais aussi à ma famille et à mon entreprise. C’est la plus grande erreur de ma carrière.
Ryan Caldbeck – CircleUp
5. Agir, et vite
Une fois que le constat est tiré, il faut aller vite. Cela ne veut pas dire tout abandonner et partir au vert du jour au lendemain. Un CEO-fondateur reste vital pour la survie de son entreprise pendant de longues années.
Mais une transition doit être trouvée. « Transition », c’est d’ailleurs le titre du blog de Ryan (voir le lien à la fin de ce post).
Dans son cas, étant donnée la taille de l’entreprise, la transition aura duré un an. Il fallait à la fois lever des fonds pour assurer la pérennité de la société et recruter un gros calibre pour réaliser son plan de croissance.
Dans mon expérience de ces situations, en tant que conseil ou investisseur, la transition dure rarement plus de quelques mois (en dehors des cas qu’il faut traiter immédiatement, naturellement). Une fois que l’entrepreneur a pris conscience de son problème et a décidé de se détacher, il faut aller vite. Passé l’appel d’air initial, la motivation chute en général de manière vertigineuse.
Pour aller plus loin
Transition, le blog the Ryan Caldbeck (version courte sur Twitter ici)
La Folie d’Entreprendre, c’est le podcast dédié aux traits psychologiques des entrepreneurs. Parles-en autour de toi, on te remerciera.
[…] déjà évoqué, dans un article précédent, les bons conseils pour se tirer de ce mauvais pas. L’objectif de ce post est de sensibiliser […]